• Le mariage de Bertrand et Tiphaine

    Alors qu’il finit de s’équiper, un écuyer vient annoncer à Bertrand Du Guesclin qu’une jeune demoiselle, âgée de 24 ans, avait prédit qu’il serait vainqueur. « Vous le verrez s’en retourner sain et sauf du combat après avoir déconfit son ennemi en champ clos, et il couchera à son aise en cette ville. Si vous ne le croyez, je veux perdre tout ce que j’ai vaillant », aurait annoncé Tiphaine Raguenel de la Bellière. Des paroles qui n’ont guère d’écho chez le futur connétable. Au contraire, il s’en offusque : « En une femme, il n’y a pas plus de sens qu’en une brebis. Laisse faire et que Dieu y ait part ! ». Bertrand Du Guesclin remporte une victoire sans appel contre Cantorbéry. Le soir, lors du banquet donné en son honneur, on lui présente la jeune astrologue et Du Guesclin, admirant sa beauté, dut regretter quelque peu ses paroles.

       Elle était belle et savante, il était laid et ignorant, cela fera un excellent mariage

        La guerre de Succession de Bretagne continue. Bertrand a-t-il oublié Tiphaine ? Il semble que non, mais il hésite à la demander en mariage. Homme de guerre, Du Guesclin est plus à l’aise dans le siège de forteresse que dans les assauts amoureux. Heureusement, Charles de Blois, dont Du Guesclin est un des meilleurs lieutenants, intervient et négocie avec la famille de Tiphaine. Le père de celle-ci, Robin Raguenel est un fidèle du parti des Penthièvre. Et il est particulièrement flatté de voir sa progéniture épouser un guerrier si réputé.
        Bertrand se sait laid. Il s’interroge : la belle jeune femme acceptera-t-elle une union avec un être aussi disgracieux que lui ? Il semble que l’obstacle ne soit pas insurmontable, comme le résume l’écrivain dinanais Roger Vercel : « Mais la rêveuse Tiphaine possède […] le regard des mages, que n’arrêtent ni les profondeurs du temps, ni l’épaisseur des chairs, et qui traverse facilement la rude et vulgaire enveloppe d’un corps d’occasion pour admirer le grand cœur qu’on lui offre. […] Tiphaine était belle et savante. Bertrand laid et ignorant : cela fera un excellent mariage. »

         Il s’évade pour son mariage

        Le mariage se prépare, mais quelques semaines avant l’événement, Charles de Blois demande à Du Guesclin d’être otage quelque temps auprès   des Anglais. Bertrand accepte à condition d’être libéré au bout d’un mois, pour se rendre à sa noce. L’échéance arrive, mais son geôlier, Guillaume Felton, refuse de le laisser partir. Alors, au cours d’une promenade à cheval, Bertrand s'échappe.

        Felton, furieux, ira par la suite poursuivre celui qu’il considère comme un parjure. Mal lui en prend, il assiège vainement Pontorson où se trouvent Tiphaine et Bertrand. La femme du futur connétable déjoue même un assaut pendant une nuit : elle a un rêve prémonitoire durant lequel elle voit des Anglais escalader le rempart. Elle se lève et donne l’alarme. Effectivement, des soldats anglais sont en train de monter sur des échelles. Ils sont repoussés. 

       Une astrologue

       Car Tiphaine Raguenel est astrologue et devineresse. Quelque temps après son mariage, qui est célébré en grande pompe à Dinan elle se charge de rédiger son horoscope à Bertrand. Elle lui dresse une liste de jours infortunés où il doit se garder de combattre. Le rude soldat en rit d’abord, mais un soir, au terme d’un rude combat au cours duquel il a été défait, Bertrand s’apercevant qu’il s’agit d’un de ces fameux jours infortunés, s’écrie : « Elle me l’avait prédit ! ».

        Peu après son mariage, Bertrand lui donne une maison au Mont-Saint-Michel. L’abbaye « au péril de la mer » est un refuge plus sûr que la ville de Pontorson dont le roi de France lui a donné la garde. Tiphaine aménage des pièces pour ses travaux d’astrologie. On dit que lorsque le roi de France demande son aide à Du Guesclin, sa femme le conforta pour rejoindre le souverain du royaume des Lys : « Sire, par vous ont été faits commencés, et par vous seulement, en nos jours, doit être la France recouvrée. » 

           Un mari absent

        Il est vrai que la jeune épousée avait du temps libre. Durant sa vie, elle ne verra guère son époux. « En l’épousant, écrit Roger Vercel, elle se voue, elle le sait, à la vie solitaire qui fut celle de tant de dames du Moyen Âge. Son mari chevauchera ; elle administrera les domaines, gouvernera les biens armera des chevaliers, les enverra rejoindre Bertrand, réunira ses rançons. »

        En 1364, Bertrand Du Guesclin est fait prisonnier lors de la guerre de Succession. Il faut payer une lourde rançon. Libéré, le roi de France lui confie la tache de réunir les grandes compagnies, des soldats sans solde qui se paient sur le pays, pour aller combattre en Espagne contre le roi de Castille Pierre Le Cruel. Pendant des années, il combat donc en Espagne. Il finit par être capturé par Le prince noir. Revenu en Bretagne, il n’y reste guère. Tiphaine le revoit quelques jours, à Caen, pour s’entendre demander de lui donner sa vaisselle et ses bagues : son mari a besoin de fonds pour aller combattre à nouveau l’Anglais…

       Bertrand Du Guesclin est d’ailleurs en Poitou lorsque, en 1372, Tiphaine Raguenel décède. Deux ans plus tard, Du Guesclin épouse Jeanne de Laval-Tinténiac. Pas plus qu'avec sa première femme, il n'aura d’enfants. Le cœur de Tiphaine a été inhumé dans la chapelle des Jacobins, à Dinan. Huit ans plus tard, celui de son illustre mari le rejoignit.

          Pour en savoir plus :

       Roger Vercel, Du Guesclin, Albin Michel, Paris, 1956  

        Arthur de la Borderie, Histoirede Bretagne, Coop Breizh, 1998


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