• Dans la forêt de Brocéliande

    Bertrand du Guesclin ne peut supporter de voir sa Bretagne offerte en pâture aux soudoyers Anglais. Ecuyer sans fortune, prisonnier de la trêve, encouragé peut-être en sous-main par Jeanne de Penthièvre, il poursuit dans la clandestinité une guerre de partisans.

    C’est ainsi qu’entouré d’une soixantaine de compagnons, il sévit dans la forêt de Brocéliande. Cette forêt, il la connaît bien. Enfant, déjà, il s’y faufilait, intrépide, avec quelques garnements de la Motte-Broons. Ses compagnons, il ne les a pas choisis fortunés. Ce ne sont pas là chevaliers ou écuyers; comment les paierait-il ? Non, ce sont d’humbles paysans, amis d’enfance pour la plupart, habitué à se contenter de peu.

    Ils vénèrent leur chef et détestent l’Anglais, mais quelque monnaie tintant dans leur escarcelle est de nature à maintenir le moral des troupes.

    Comment se procurer de l’argent ?

    Un jour, Bertrand chevauche une robuste jument habituée aux âpres travaux des champs. Suspendue au coup du jeune breton, une hache énorme; à sa taille une lourde épée et une taloche, bouclier de ce temps. Derrière lui, essoufflé, trottine Orriz, son valet.

    – Sire, proteste celui-ci, sachez que je n’irai pas à pied bien longtemps. Si je n’ai pas sans tarder un cheval, un mulet ou une jument, je vous quitterai sans cérémonie.

    – Paix, réplique Bertrand en arrêtant sa monture pour mieux tendre l’oreille. Je te jure que si je ne meure pas, tu auras brièvement un cheval.

    Habitué à la forêt, il a entendu, venus de loin, des bruits de sabots et des cliquetis d’armures. Trois cavaliers apparaissent bientôt devant lui. A son équipement, Bertrand reconnaît un chevalier anglais, armé de pied en cap. Un écuyer le suit, tandis qu’un valet, juché sur une bête de somme chargée de bagages ferme la marche.

    Trois contre deux ! Bertrand n’hésite pas. Il se fait reconnaître. Eperonnant sa monture, le chevalier court sur le breton, lance baissée. Bertrand esquive l’assaut. Sa hache tranche l’espace, sépare la lance en deux tronçons et se relève vivement pour s’écraser sur le bassinet de l’anglais qui vide les étriers et s’écroule sur le sol, étourdi.

    Voyant son maître en danger, l’écuyer se jette à son tour sur Bertrand qui a mis pied à terre et esquive une fois encore. Un coup de hache sectionne le bras de l’écuyer; un second fracasse la tête du cheval, un troisième décolle le chef de son infortuné adversaire.

    S’approchant du chevalier, toujours étourdi sur le sol, il l’achève, sans plus de façon, d’un magistral coup d’épée dans la poitrine.

    S’avisant alors que le valet, aux prises avec Orriz, cherche à fuir sur son cheval de somme, il enfourche le destrier du mort, rattrape le fuyard, lui fend le crâne et s’approprie le butin qu’il s’efforçait de sauver.

    Sans un regard pour celui qu’il vient d’éliminer, Bertrand chausse les éperons d’ors fins du chevalier, revêt son armure puis, chevauchant leurs nouvelles montures, les deux hommes s’éloignent au galop, emmenant avec eux leur trésor de guerre.

    En le voyant revenir chargé d’argent et de bijoux, ses compagnons acclament du Guesclin avec enthousiasme. Les voilà pour un temps à l’abri du besoin. Ils vont pouvoir rajeunir leurs armes, leurs cottes de maille, envisager peut-être de plus éclatants combats.


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