• En l’an 1337, Charles de Blois, comte de Chatillon et neveu du roi de France Philippe VI épouse Jeanne de Penthièvre, nièce de Jean III, duc de Bretagne. Le mariage est célébré à Rennes où un grand tournoi est organisé à cette occasion.

    En sa qualité de chevalier breton, Robert du Guesclin a été convié à prendre part aux joutes. Son fils le suit, juché sur un cheval de labour dont on n’eut pas donné 4 florins.

    Il y a là nobles familles de Bretagne et d’ailleurs. Ah ! qu’il ferait bon participer à cette liesse ! Mais à quoi bon contempler la gloire des autres ? Désabusé, Bertrand quitte la place et se dirige mélancoliquement vers son hôtel où il voit entrer un sien cousin. Il le suit jusque dans sa chambre et s’agenouille devant lui.

    ­– Ah, cousin, implore-t-il, prêtez-moi votre harnais et votre cheval, s’il vous plaît. Si le faites je jure Dieu que vous aurez récompense de m’avoir aidé aujourd’hui.

    – Vous vous êtes bien adressé, réplique le jeune homme touché par la flamme qui brûle dans les yeux de Bertrand. Je vais vous armer un continent et vous prêter mon valet pour vous aider.

    En un tour de main, Bertrand est armé de pied en cap. Le visage dissimulé par un heaume, il enfourche le cheval de son cousin et, précédé du valet, se dirige vers la place du marché.

    Parvenu dans la lice, ayant recommandé son âme à Dieu, il lance défi à quiconque acceptera de le relever. Ils sont tous là, les Beaumanoir, les Tinténiac, les Rochefort, les Clisson, les Rohan, les Raguenel, les Chateaubriand, les princes de France, à observer cet inconnu qui ose les braver.

    Il est inconnu, en effet, car aucun signe distinctif ne vient indiquer sa naissance ni son rang, afin de n’être pas reconnu par son père.

    Un chevalier se présente. Bertrand s’élance et atteint son adversaire au milieu de la visière, lui arrachant le heaume de la tête. Sous la violence du choc, le cheval est tué : quant au cavalier, il demeure évanoui un moment. Quand, revenu de son inconscience, il s’enquiert du nom de son vainqueur, nul ne peut lui répondre, Bertrand conservant sa visière baissée.

    – Sire, dit un valet, vous ne le saurez que s’il est déheaumé par vous ou par quelque autre.

    Mais déjà, les jeux ont repris. Plusieurs chevaliers, qui voulaient faire voler le heaume de Bertrand sont tour à tour déboutés.

    La curiosité de Robert du Guesclin est à son comble. Quel est donc cet inconnu ? Sûr de son expérience et de sa force, il se présente dans la lice, pique des deux. A son tour, Bertrand éperonne sa monture et s’élance, mais, reconnaissant les armoiries de son père, il abaisse sa lance, fait un écart, et regagne sa place, refusant le combat.

    La foule, qui s’enthousiasme vite, se détourne aussi vite de ceux qui la déçoivent. Leur héros ne serait-il donc qu’un pleutre ?

    Un nouveau champion se présente. Mal lui en prend. Bertrand s’avance hardiment et arrache son heaume de la pointe de sa lance.

    Les ovations reprennent.

    Au total, ils sont une quinzaine à se faire décoiffer par Bertrand ou à voir leurs lances rompues. Finalement, un chevalier normand, renommé pour son adresse, parvient à déheaumer le jeune breton. Stupéfaite, l’assistance ayant reconnue Bertrand, l’enthousiasme se mue en délire.

    Robert du Guesclin s’approche de son fils, qui n’a alors que 17 ans, pour lui donner l’accolade.

    Bon fils, dit-il, je vous assure que je ne vous traiterai plus vilainement, comme je l’ai fait jusqu’alors, puisqu’aujourd’hui, vous m’avez fait honneur.

    Dorénavant, le nom de Bertrand court de bouche en bouche, déborde bien vite de la place du marché pour s’étendre sur toute la Bretagne.


    votre commentaire
  •   Il n'y a fileuse en France qui sache fil filer qui ne gagnât ainsi ma fiance à filer.

         Au sujet de sa rançon aux anglais qui l'ont fait prisonnier:

        Mieux vaut pays pillé que terre perdue.     


    votre commentaire
  • Le lendemain (de la cérémonie au Puy en Velay ), le cercueil se mit en route. Il fallut deux jours pour atteindre Montferrand par un temps orageux qui n'arrangeait pas les choses. Le duc de Berry avait ordonné aux consuls, notables, moines et abbés montferrandais de rendre à la glorieuse dépouille tous les honneurs qui lui étaient dus. Une procession interminable de religieux, civils, hommes d'armes alla attendre le convoi funèbre sur la route d'Issoire et elle l'accompagna chez les frères mineurs. Et là, une fois encore il fallut reconnaître une terrible évidence : Les assaisonnements du Puy n'avaient pas résolu le problème et Bertrand Du Guesclin puait plus que jamais.

        On décida donc de recourir aux grands moyens. Les cordeliers retroussent leurs manches, prennent dans la cuisine le plus vaste de leur chaudron, le remplissent d'eau à mi-hauteur et le mettent sur le feu. Se bouchant le nez ils s'efforcent ensuite d'y introduire le cadavre. Les chairs en sont flasques et noirâtres, mais les articulations bloquées, les membres raides sont comme des morceaux de bois. On arriva enfin à faire bouillir le cadavre, on enleva des os toutes les chairs qui furent ensuite inhumées dans l'église des Cordeliers détruite en 1793 par les révolutionnaires qui dispersèrent les cendres du connétable. Tel fut le second tombeau dans l'église des Cordeliers. Ce qui restait - les os seuls- réintégra la caisse trop grande. On boucha les vides avec de la laine. Puis le convoi reprit la direction de la Bretagne, honoré en tous lieux par des processions de gens en larmes.

     


    Le plan de Montferrand en 1450, dessiné par P.Leprat d’après l’Armorial de J.Revel, lithographie Desrosiers, extraite de l’ouvrage d’Ambroise Tardieu.

     


    votre commentaire
  • Les compagnies de mercenaires durant la guerre de Cent Ans, pendant les périodes de paix, se regroupaient en Grandes compagnies ou routiers, et vivaient sur le pays environnant. Armure de plaques intégrale, avec bec-en-fer, d’un chevalier des Grandes compagnies, portant le blason de Bertrand du Guesclin. Armoiries de Du Guesclin Armure de plaques intégrale, avec bec-en-fer, d’un chevalier des Grandes compagnies, portant le blason de Bertrand du Guesclin.

        Campagnies en France

        Les Grandes compagnies étaient des troupes d’aventuriers qui étaient soldées par les princes en temps de guerre, et qui vivaient de pillage et de rançons en temps de paix ou de trêve. Elles désolèrent la France au XIVe siècle, sous les règnes de Jean II et de Charles V. Elles se recrutaient parmi des étrangers de toutes nationalité et surtout des Allemands qu’Édouard III d’Angleterre, roi d’Angleterre, avait licenciés après le traité de Brétigny, en 1360.

        Irrités de leurs déprédations, les paysans les battirent en plusieurs rencontres et les dispersèrent pour quelque temps.

        Le connétable Bertrand du Guesclin fut employé à emmener ces compagnies en Espagne pour débarrasser le royaume de France ; elles y soutinrent contre Pierre le Cruel la cause de Henri de Transtamare, son frère.

        Chefs routiers célèbres :

        * Arnaud de Cervole, dit l’Archiprêtre. * Bétucat d’Albret * Bernard de la Salle * Hugh Calveley * Robert Knolles * John Creswell

       Tard-Venus

        Les Tard-Venus sont des mercenaires démobilisés après le traité de Brétigny du 8 mai 1360. Sous les ordres de Petit Meschin et Seguin de Badefol ils sévirent de la Bourgogne au Languedoc. Ils défirent en 1361 le comte de La Marche (Jacques de Bourbon), envoyé contre eux.

        Compagnie blanche

        La Compagnie Blanche s’est formée après la paix de Brétigny du 8 mai 1360 sous les ordres de John Hawkwood.

        Ecorcheurs

        D’autres hordes de mercenaires démobilisés désoleront la France au XVe siècle : les écorcheurs.

        Ailleurs

        Les Grandes compagnies ne sont pas exclusivement françaises. On peut citer la Compagnie catalane des Almogavres, soldats mercenaires au service de la Couronne d’Aragon-Catalogne, majoritairement catalans et aragonais, qui avait vu le jour dans la Péninsule ibérique à l’occasion des guerres contre les Sarrasins, entre le XIIIe et le XVe siècle, et qui alla aider l’empereur byzantin Andronic II Paléologue contre les Turcs.


    votre commentaire
  • Le tombeau qui contenait ses entrailles (église Saint-Laurent, au Puy échappa à la profanation : l'urne fut mise en dépôt à la mairie en vue de lui donner une sépulture laïque puis fut finalement replacée dans l'église Saint-Laurent avec son contenu, ils y demeurent toujours.

    Eustache Deschamps composa une Ballade sur le trépas de Bertrand du Guesclin.

                                                     

                                                                                         

                           Dédicace Bertrand du Guesclin                      

             dans l'église de Saint Laurent du Puy en Velay

       Les entrailles sont prélevées et enterrées dans l'église des Jacobins, aujourd'hui St Laurent. C'est là son premier tombeau. On peut le voir en gisant, les mains jointes, couvert de son armure, moins le casque qu'on ne donnait qu'aux guerriers tombés sur le champ de bataille, avec cette épitaphe :
       "Ci-gist honorable et vaillant messire Bertrand CLAIKIN, comte de Longueville, jadis connétable de France qui trépassa l'an MCCCLXXX, le XIIIème jour de juillet".

       Les consuls du Puy le régalèrent d'un service magnifique dans lequel 25O torches brûlèrent durant toute la cérémonie. La bière était couverte d'un drap d'or bordé de noir et brodé de ses armes. Un maître en théologie du collège prononça son oraison funèbre.


    votre commentaire
  • Le roi Charles V prît la décision de faire enterrer les ossements de son défunt connétable dans la basilique royale de Saint-Denis, aux côtés des rois de France.

       Sa sépulture, comme celles de la plupart des princes et dignitaires qui y reposaient, fut profanée par des révolutionnaires en1793, comme le fut aussi le tombeau contenant ses chairs bouillies (à Montferrand).


    votre commentaire
  • Jeanne de Malemains est d'une grande beauté, pleine de grâce et de féminité. Or, le rejeton auquel elle vient de donner la vie est d'une rare laideur et ceci l'emplit d'effroi. Ne pouvant le regarder, elle le confie à une nourrice. Lorsqu'il revient au manoir paternel, 5 ans plus tard, sa laideur s'est encore accentuée et sa mère s'en détournera à tout jamais. Son père le prend également en grippe.

    Bertrand, qui espère trouver de l'affection ne rencontre au foyer familial, que froideur et indifférence. Pire, on le place en quarantaine !

    Alors que ses frères puînés, Guillaume et Olivier, partagent leurs repas avec leurs parents, à la table familiale, lui, l'aîné, est relégué dans un coin sombre. Imitant leurs maîtres, les valets le maltraitent, mais il fait front, distribuant, malgré son très jeune âge, coups de pied, de poing, et de tête pour se défendre. Le désert affectif qui l'entoure fait que son tempérament, d'un naturel impétueux, va incliner vers le pire. Il était vif, turbulent, empli d'une force qui couvait déjà, terrible. Altérée par les brimades, la stupidité de son entourage, cette vigueur, qui eut pu être heureusement canalisée, va se métamorphoser en rudesse, en emportement. Il devient de plus en plus irascible.

    Permettez-moi d'emprunter à Yves Jacob le récit détaillé d'une scène de son enfance.

    Un jour de fête, alors qu'il a environ 6 ans, il se révolte. Jeanne de Malemains vient d'ordonner de servir le potage. La table a été préparée avec soin.

    Comme à l'accoutumée, Bertrand dîne à l'écart, dans l'ombre, installé devant une petite table, tandis que ses frères siègent près de leur mère.

    Son époux étant absent, Jeanne de Malemains se doit de présider aux agapes, de distribuer des propos aimables à chacun. Mais elle se sent fiévreuse et a envoyé quérir une converse d'origine juive, réputée pour ses connaissances médicales.

    En attendant sa venue, le repas se poursuit. Après les poissons, le maître d'hôtel fait servir un chapon doré du plus engageant aspect. Bertrand contemple la table richement décorée, sa mère, ses frères, les mets succulents qu'on lui présente en dernier et, soudain, il explose. Bondissant de son coin, il s'élance vers la table, bouscule ses frères et leur lance : Est-ce à vous de manger les premiers ! Rendez-moi ma place. Je suis votre aîné !

    Médusés, Olivier et Guillaume dévisagent Bertrand. Son aspect est terrible : cheveux ébouriffés, vêtements souillés, mains sales, regard glauque, bouillonnant de colère. Mieux vaut obtempérer. Ils se serrent sur le banc. Bertrand s'installe à leurs cotés, puis, sans souci de bienséance, il plonge ses mains dans les plats, enfourne avec gloutonnerie tout se qui est à sa portée. Surprise par la soudaineté de la scène, Jeanne intervient alors :

    – Hors d'ici Bertrand, partez tout de suite, sinon je vous ferai battre !

    L'enfant se dresse d'un jet. Battu, il sait ce que c'est. Son corps en porte les traces quotidiennes. Mais rossé devant les convives, il ne peut l'accepter. Il s'arc-boute alors, secoue la lourde table de chêne, renversant boissons, argenterie et mets délicats. Imaginez la scène : les convives dressés, souillés de sauce et de vin, les chiens se régalant des viandes, les domestiques affairés, les bancs renversés, etc..

    – Mon Dieu, gémit Jeanne de Malemains, au milieu de la consternation générale, que voici un enfant rude et malgracieux ! Plut à Dieu qu'il fût mort ! Je suis la femme au monde la plus malheureuse d'avoir donné le jour à un rustre, un bouvier qui ne peut que déshonorer un jour sa famille !

    A cet instant, la converse du couvent voisin, juive convertie que dame Jeanne a fait quérir pour la soigner, entre dans la pièce. Elle ne peut dissimuler sa surprise en découvrant la maîtresse de maison en larmes, les enfants effarouchés, et Bertrand, recroquevillé dans un coin, au bas bout de la salle, son bâton de houx résolument serré dans les mains, près à en découdre si quelqu'un se hasarde à vouloir le molester. "Que se passe-t-il ?" questionne-t-elle.

    Dame du Guesclin lui relate les faits.

    Pendant ce temps la religieuse observe Bertrand avec curiosité. Puis elle s'avance vers lui en lui tenant des propos si aimables qu'ils viennent vers l'enfant comme une caresse. Jamais on ne lui a parlé avec une si égale douceur. Décontenancé, il écoute un temps la musique des mots, puis il se ressaisit. Il ne faut pas lui en conter. Il y a là sûrement quelque vilaine traîtrise destinée à s'emparer de lui pour le livrer aux valets.

    – Gare, grommelle-t-il, en brandissant son bâton. Laissez-moi tranquille, sinon...!

    – Je vous l'avais dit, s'exclame Jeanne de Malemains, il n'y a pas pire enfant au monde. Il a le sang mauvais et je le voudrais sous terre.

    Comme si elle n'avait pas entendu, la converse continue à parler doucement à Bertrand. La bonté du regard est telle que le bâton s'est abaissé. La religieuse, chacun le sait à la Motte-Broons, possède des talents de devineresse. Elle analyse les traits de l'enfant, prend sa main qu'il lui abandonne, subjugué, en examine les linéaments.

    – Dame, prophétise-t-elle, en se tournant vers la mère de Bertrand, ne soyez pas si courroucée. Je vous jure sur Dieu et mon baptême, que ce fils surpassera en gloire tous ses ancêtres. Il n'aura pas son pareil dans tout le firmament et il sera comblé de tant d'honneurs par le roi de France qu'on parlera de lui jusqu'à Jérusalem.

    – A quoi le savez-vous ? interroge Dame du Guesclin, étonnée ?

    – Je le sais, et s'il n'en était ainsi, je m'offre pleinement à être brûlée vive.

    Entre temps, les valets ont redressé la table et le repas a repris.

    Courtoisement, Jeanne convie la religieuse à prendre place près d'elle. On apporte un paon rôti. Charmé par les propos qu'il vient d'entendre, Bertrand s'approche du paon, et avec sa fougue habituelle arrache le plat des mains du maître d'hôtel; puis, sous le regard adouci de sa mère, il sert lui même la religieuse et lui verse du vin  avec tant d'empressement qu'il en répand la moitié sur la nappe. Troublée par ce geste de considération envers la converse, Jeanne ne se récrie pas. Elle est impressionnée, elle aussi, par la prédiction. Et si tout cela devait être vrai ? Et si cet enfant hideux et mal embouché devait être appelé à une illustre destinée ? Les voies du Seigneur sont si impénétrables...

    Les convives partis, elle mande les domestiques et leur ordonne de traiter désormais Bertrand avec les égards dus au fils aîné de Robert du Guesclin.

    Bertrand ne prise guère l'école. Il ne saura jamais lire, ni écrire autre chose que son nom, dont 4 ou 5 spécimens connus semblent avoir été tracés avec peine.

    Aux bancs de l'école, il préfère les chemins creux. Il organise avec les gamins de son village de véritables batailles rangées. A 9 ans déjà, il se présente comme un chef incontesté qui s'amuse fort à dresser l'une contre l'autre deux armées de chenapans. Quand un camp plie au nom de "Guesclin" ! Bertrand accourt à la rescousse. Si c'est l'autre, il change incontinent de parti. Batailleur, avide de horions, de tumulte et de cris, il fait l'unanimité et est adoré de tous.

    Quand survient l'heure de l'épuisement, Bertrand rassemble ses compagnons et les emmène à la taverne. Là, il félicite les vainqueurs, réconforte les vaincus, leur assurant que le sort de la guerre leur sera plus favorable le lendemain. S'il a de l'argent, c'est lui qui régale. S'il n'en a point, il demande crédit au tavernier, lui promettant de le régler sans tarder, quand bien même il devrait, pour ce faire, mettre en gage un harnap d'argent ou vendre, à Rennes, une jument de son père.

    Ses compagnons sont de simples gueux, de menus paysans, des traine-misère de village, analphabètes et lourds, condamnés dès l'enfance aux pesants travaux de la terre.

    Ceci explique sans doute que, sa vie durant, Bertrand restera attentif aux humbles et veillera à ce que justice leur soit rendue.

     Lorsque Jeanne de Malemains voit son fils revenir quotidiennement couturé de plaies, vallonné de bosses ; quand elle retrouve en guenilles ses vêtements propres du matin, elle pense, à l'évidence que les prédictions de la converse ne sont que sornettes. Jamais ne sortira quoi que ce soit de bon de cet être repoussant jailli par mégarde de ses entrailles et elle ne peut que maudire les viles inclinations qui le poussent à se colleter avec des gueux.

    Les parents de ses "adversaires" ne sont guère plus satisfaits et viennent voir Robert du Guesclin, lui dressant les comptes des horions, plaies et bosses subis par leur progéniture ainsi que le bilan de ce que coûte, chez le barbier ou le rebouteux, la réparation des dommages.


    votre commentaire
  • Tiphaine Raguenel, fille de Robert Raguenel, seigneur de La Bellière, vicomte et homme de la première qualité, était une de ces femmes accomplies comme les héros n'en rencontrent guère, soit que Dieu ne réunisse pas sur une même famille tous ses dons précieux, soit que le mérite de l'un des époux absorbe ordinairement celui de l'autre.
       Tiphaine Raguenel, dans sa jeunesse, était surnommée par les Bretons Tiphaine la fée. Elle était savante dans la médecine et l'astrologie ; c'est elle qui dans deux combats célèbres de Bertrand lui avait pronostiqué la victoire, au grand ébahissement des Bretons inquiets ; elle qui, lorsque Bertrand se fatigua du service et voulut rentrer en ses terres, le rejeta par ses conseils et ses prédictions dans la vie glorieuse d'où il retira fortune et impérissable renommée. En effet, jusqu'à la guerre faite par Charles de Blois contre Jean de Montfort, guerre dans laquelle Bertrand fut appelé au commandement de l'armée, le héros breton n'avait eu l'occasion de déployer que les forces, l'adresse et le courage à toute épreuve du champion duelliste et du chef de partisans.
    Aussi Tiphaine Raguenel jouissait-elle auprès de son époux, et dans toute la contrée, d'une influence égale à celle d'une grande reine.
        Elle avait été belle, elle était de haut lignage. Son esprit cultivé lui donnait la supériorité sur beaucoup de prud'hommes dans les conseils, et elle avait ajouté à ces qualités précieuses le désintéressement sans exemple de son époux.

               Alexandre DUMAS "Le Bârard de Mauléon" chapitre XLVII )


    votre commentaire
  • Alors qu’il finit de s’équiper, un écuyer vient annoncer à Bertrand Du Guesclin qu’une jeune demoiselle, âgée de 24 ans, avait prédit qu’il serait vainqueur. « Vous le verrez s’en retourner sain et sauf du combat après avoir déconfit son ennemi en champ clos, et il couchera à son aise en cette ville. Si vous ne le croyez, je veux perdre tout ce que j’ai vaillant », aurait annoncé Tiphaine Raguenel de la Bellière. Des paroles qui n’ont guère d’écho chez le futur connétable. Au contraire, il s’en offusque : « En une femme, il n’y a pas plus de sens qu’en une brebis. Laisse faire et que Dieu y ait part ! ». Bertrand Du Guesclin remporte une victoire sans appel contre Cantorbéry. Le soir, lors du banquet donné en son honneur, on lui présente la jeune astrologue et Du Guesclin, admirant sa beauté, dut regretter quelque peu ses paroles.

       Elle était belle et savante, il était laid et ignorant, cela fera un excellent mariage

        La guerre de Succession de Bretagne continue. Bertrand a-t-il oublié Tiphaine ? Il semble que non, mais il hésite à la demander en mariage. Homme de guerre, Du Guesclin est plus à l’aise dans le siège de forteresse que dans les assauts amoureux. Heureusement, Charles de Blois, dont Du Guesclin est un des meilleurs lieutenants, intervient et négocie avec la famille de Tiphaine. Le père de celle-ci, Robin Raguenel est un fidèle du parti des Penthièvre. Et il est particulièrement flatté de voir sa progéniture épouser un guerrier si réputé.
        Bertrand se sait laid. Il s’interroge : la belle jeune femme acceptera-t-elle une union avec un être aussi disgracieux que lui ? Il semble que l’obstacle ne soit pas insurmontable, comme le résume l’écrivain dinanais Roger Vercel : « Mais la rêveuse Tiphaine possède […] le regard des mages, que n’arrêtent ni les profondeurs du temps, ni l’épaisseur des chairs, et qui traverse facilement la rude et vulgaire enveloppe d’un corps d’occasion pour admirer le grand cœur qu’on lui offre. […] Tiphaine était belle et savante. Bertrand laid et ignorant : cela fera un excellent mariage. »

         Il s’évade pour son mariage

        Le mariage se prépare, mais quelques semaines avant l’événement, Charles de Blois demande à Du Guesclin d’être otage quelque temps auprès   des Anglais. Bertrand accepte à condition d’être libéré au bout d’un mois, pour se rendre à sa noce. L’échéance arrive, mais son geôlier, Guillaume Felton, refuse de le laisser partir. Alors, au cours d’une promenade à cheval, Bertrand s'échappe.

        Felton, furieux, ira par la suite poursuivre celui qu’il considère comme un parjure. Mal lui en prend, il assiège vainement Pontorson où se trouvent Tiphaine et Bertrand. La femme du futur connétable déjoue même un assaut pendant une nuit : elle a un rêve prémonitoire durant lequel elle voit des Anglais escalader le rempart. Elle se lève et donne l’alarme. Effectivement, des soldats anglais sont en train de monter sur des échelles. Ils sont repoussés. 

       Une astrologue

       Car Tiphaine Raguenel est astrologue et devineresse. Quelque temps après son mariage, qui est célébré en grande pompe à Dinan elle se charge de rédiger son horoscope à Bertrand. Elle lui dresse une liste de jours infortunés où il doit se garder de combattre. Le rude soldat en rit d’abord, mais un soir, au terme d’un rude combat au cours duquel il a été défait, Bertrand s’apercevant qu’il s’agit d’un de ces fameux jours infortunés, s’écrie : « Elle me l’avait prédit ! ».

        Peu après son mariage, Bertrand lui donne une maison au Mont-Saint-Michel. L’abbaye « au péril de la mer » est un refuge plus sûr que la ville de Pontorson dont le roi de France lui a donné la garde. Tiphaine aménage des pièces pour ses travaux d’astrologie. On dit que lorsque le roi de France demande son aide à Du Guesclin, sa femme le conforta pour rejoindre le souverain du royaume des Lys : « Sire, par vous ont été faits commencés, et par vous seulement, en nos jours, doit être la France recouvrée. » 

           Un mari absent

        Il est vrai que la jeune épousée avait du temps libre. Durant sa vie, elle ne verra guère son époux. « En l’épousant, écrit Roger Vercel, elle se voue, elle le sait, à la vie solitaire qui fut celle de tant de dames du Moyen Âge. Son mari chevauchera ; elle administrera les domaines, gouvernera les biens armera des chevaliers, les enverra rejoindre Bertrand, réunira ses rançons. »

        En 1364, Bertrand Du Guesclin est fait prisonnier lors de la guerre de Succession. Il faut payer une lourde rançon. Libéré, le roi de France lui confie la tache de réunir les grandes compagnies, des soldats sans solde qui se paient sur le pays, pour aller combattre en Espagne contre le roi de Castille Pierre Le Cruel. Pendant des années, il combat donc en Espagne. Il finit par être capturé par Le prince noir. Revenu en Bretagne, il n’y reste guère. Tiphaine le revoit quelques jours, à Caen, pour s’entendre demander de lui donner sa vaisselle et ses bagues : son mari a besoin de fonds pour aller combattre à nouveau l’Anglais…

       Bertrand Du Guesclin est d’ailleurs en Poitou lorsque, en 1372, Tiphaine Raguenel décède. Deux ans plus tard, Du Guesclin épouse Jeanne de Laval-Tinténiac. Pas plus qu'avec sa première femme, il n'aura d’enfants. Le cœur de Tiphaine a été inhumé dans la chapelle des Jacobins, à Dinan. Huit ans plus tard, celui de son illustre mari le rejoignit.

          Pour en savoir plus :

       Roger Vercel, Du Guesclin, Albin Michel, Paris, 1956  

        Arthur de la Borderie, Histoirede Bretagne, Coop Breizh, 1998


    votre commentaire
  • Eglise Saint Sauveur à Dinan

       Au XIV° siècle, la guerre de Cent Ans fait rage. Un enfant du Pays de Dinan se distingue : Bertrand du Guesclin, connétable (*) de France. Du Guesclin** lutte contre l'Anglais, libère la Normandie, puis la Bretagne. A Dinan, il remporte un combat singulier l'opposant à l'anglais " félon " Cantorbery. La Fête des Remparts de Dinan a mis en scène ce célèbre duel. Cette victoire avait été prédite par une faiseuse d'horoscopes dinannaise.... Bertrand Du Guesclin, particulièrement laid, épouse une aristocrate à la beauté légendaire : Typhaine Raguenel, astrologue au Mont Saint Michel.

       A sa mort, son cœur seul parvint en Bretagne où il fut déposé sous une dalle au couvent des Jacobins à Dinan. En 1810, la pierre tombale et l'urne contenant le cœur furent transférées dans l'église Saint-Sauveur de Dinan.

      **Son cœur est dans un cataphalque à l'église Saint Sauveur de Dinan, coutume courante à l'époque..

       (*) Connétable de France : commandant général des armées, du XIII° au XVII° siècle


    votre commentaire