• Duguesclin et sa rançon

      Un obscur petit baron breton nous est présenté par les manuels scolaires comme un grand militaire ayant eu de la promotion à cause de ses hauts faits de guerre. Le Roi l'a nommé Connétable (1370), le plus haut grade militaire correspondant à Général en chef des Armées de l'époque. Ce n'est pas rien... Puis, la politique a repris la place. On a renvoyé le Connétable dans ses foyers bretons et démobilisé les hommes de troupe. Ce sont eux qui, désoeuvrés, vont constituer les trop fameuses bandes armées qu'on appelle les "Grandes Compagnies" et qu'on nous présente comme des soudards et des brigands qui pillaient les campagnes de France, attaquant châteaux et domaines seigneuriaux.

        Comme notre Connétable de Bertrand s'ennuyait ferme en Bretagne, et que les grandes compagnies dérangeaient le paysage politique, on eut l'idée de demander à Du Guesclin de les chasser du pays. Ce qu'il s'empressa de faire, mais bizarrement, pas du tout de la manière brutale qu'on lui attribue un peu facilement. Il négocia avec les chefs, prit leur tête et les emmena jusqu'en Provence, en Languedoc et pour finir en Espagne !

       Là, il manqua de chance et fut fait prisonnier par Pierre de Castille, en lutte contre Henri de Trastamarre. Mais ce dernier ne savait à quel hauteur fixer la rançon du héros français. C'est donc le rançonné, Du Guesclin, qui la fixa DE LUI-MÊME à une hauteur énorme, estimée, nous fait-on ordinairement valoir, en proportion de sa vanité !...

         Voilà une manière bien étrange de considérer un personnage qui force l'admiration quant à son courage militaire mais qui déçoit énormément sur le plan humain par sa vanité incroyable ! Il ne m'était pas vraiment sympathique depuis mon enfance à cause de cela, jusqu'à ce qu'un passage d'un livre de Fabré-Palaprat, auteur d'un "Manuel des chevaliers du Temple" (et initiateur d'un ordre néo templier sous Napoléon) fasse que, d'un coup, ma perspective a changé : ***    Ç a, c'était la présentation habituelle des évènements... Celle que les hagiographes attitrés des princes régnant depuis cette époque nous ont léguée, c'est-à-dire celle qui arrangeait leurs maîtres.
    Voici la mienne ! Ce n'est qu'une hypothèse bien sûr puisque les récits officiels ne la confirment pas et pour cause... Pourtant...
    On peut se poser des questions... Beaucoup de questions !... Car ce comportement vaniteux ne "cadre" pas avec le personnage ni avec ses actions. Et s'il y avait une autre explication ? Un autre angle de vision ?

        D'après Bernard Fabré-Palaprat ("Manuel des chevaliers de l'Ordre du Temple", et si on peut se fier à son tableau), Bertrand Du Guesclin était LE Grand-Maître du Temple, Ordre subsistant clandestinement en France un demi-siècle après son abolition officielle par Philippe le Bel et Clément V (mais rétabli complètement dès le pape suivant partout ailleurs). Cet Ordre du Temple perdurait donc tout à fait ouvertement en Espagne et au Portugal par exemple sous des noms voisins ou encore en Ecosse, en Italie, en Autriche, etc...

        S'il est vrai que Du Guesclin fut le Maître du Temple, ça signifie que les templiers avaient pris le parti français, contre l'Anglais, dans cette "Guerre de cent ans". (De nombreuses sources mentionnent cette possibilité évoquée également dans la tablée 15 sur Jeanne d'Arc). Dans cette hypothèse, les troupes qui le suivaient étaient sans doute commandées par des capitaines eux-mêmes souvent cadets de familles nobles et probablement templiers ou sympathisants.
        Or quand la compromission politique reprit le pas sur la lutte contre l'Anglais et que le Connétable fut renvoyé dans sa baronnie, ces troupes furent livrées à elles-mêmes, leur Chef charismatique n'étant plus là... Peut-être n'étaient elles pas d'accord avec la tournure politique des choses ? En tous cas, elles se montraient parfaitement insensibles aux ordonnances royales (1373 et 1374) !
    Quand on demande à Bertrand de les chasser hors du royaume, il ne les "chasse" pas ! Etrange !... Alors qu'il a déjà été "victime d'un rançonnage" (?) en 1360 de la part de ces "routiers", il négocie avec les chefs et se met à leur tête pour les emmener jusqu'en Espagne. En Espagne où, comme on vient de le voir, les templiers vivaient au plein jour... N'y avait-il pas une connivence cachée entre elles et Du Guesclin et n'est-ce pas proprement incroyable autrement ?

        Quels arguments employa-t-il pour parvenir à les raisonner ? Comment ces "Grandes Compagnies" tant redoutées accèptèrent elles de suivre si docilement Du Guesclin pour aller combattre avec lui en Espagne pour Henri de Trastamarre contre Pierre 1er (lequel avait passé une alliance avec le "Prince Noir" d'Aquitaine (anglais) ? L'influence templière est encore là, bien présente au XIVe siècle !... N'aurait-ce point été là la véritable raison de leur soumission sans combat à Bertrand ?

       Quant à la rançon fabuleuse énoncée par Bertrand lui-même à son aimable géolier espagnol Pierre 1er le Cruel, vue dans cette optique, il pourrait bien s'agir de toute autre chose...
       Comment un homme connaissant aussi bien la terre et la pauvreté des provinces de l'époque, les famines qui y régnaient régulièrement depuis la disparition des domaines du Temple, comment aurait-il pu exiger du royaume une somme aussi démesurée pour satisfaire son orgueil ? N'est-ce pas là une chose qui choque venant d'un tel héros ? Pourtant, c'est bien ce qu'on explique à nos chères têtes blondes des cours moyen 2e année, qui se forgent du coup une idée très péjorative de notre héros national, orgueilleux et vaniteux comme on n'imagine pas...
        Le plus incohérent dans ce raisonnement, c'est que le peuple cotise, se mobilise pour payer la rançon du héros... Il n'aurait pas fait ça pour son roi ! Encore moins pour un homme qu'il n'aurait pas eu en grande estime. On est donc obligé de se poser des questions...
      Le peuple aurait-il tellement aimé un homme vaniteux et orgueilleux ? Le peuple n'est pas fou. Les gens sentent ces choses là, même sans rien comprendre à la politique, et nos ancêtres n'étaient pas moins intelligents que nous. Moins informés peut-être...
      A moins que...
       A moins que contrairement à la légende dorée ce ne fut pas le peuple qui fournit les fonds ?... Ou pas QUE le peuple ?... En tous cas, au moins la deuxième fois, Du Guesclin paya officiellement de ses deniers en revendant pour cela le Duché de Trastamarre que lui avait donné Henri de Trastamarre, roi de Castille (lequel s'empressera de le lui remplacer par la suite par celui de Molina)...
       Etait-ce donc vraiment une rançon ?... Supposons que ce soit autre chose... Un transfert de fonds, oui ! Mais un transfert déguisé sous le prétexte d'une rançon !... Une manière habile, et bien dans la manière de l'homme extrêmement rusé qu'il était, de transférer des fonds vers l'Espagne sans éveiller l'attention sur la réelle nature du transfert... Alors, l'hypothèse d'un "Du Guesclin Grand-Maître du Temple" pourrait bien apporter une toute autre explication !...

        Le "Trésor du Temple" serait-il en Espagne ou ailleurs sur le chemin, hors de la France du XIVe siècle ?... Le Languedoc de cette époque touchait à l'Aragon, dont le Roussillon et la Catalogne dépendaient. 


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